Bridge zircone sur implants

Bridge zircone sur implants

2 octobre 2017

Bien-fondé de la réalisation simultanée d’un bridge zircone et de ses piliers implantaires

Quelles sont les limites dans le gain de temps avec la CFAO ? La FAO peut-elle s’envisager au laboratoire ? Comment concevoir et réaliser simultanément les piliers et la suprastructure d’un bridge zircone ?

Notre profession, à l’instar de toutes celles susceptibles de subir une forte concurrence, cherche des voies d’évolution. Elles nous permettront de résister en apportant une meilleure qualité, un meilleur service, voire un meilleur prix. Il est une de celles-ci, évolutive s’il en est, qui, même si elle n’est pas la panacée, nous demande de rester attentifs. En effet, les solutions CAD-CAM, nous permettent de réaliser de nombre de produits techniques, dont certains ne seraient pas faisables sans elles.

Pour autant, le tout numérique à ses limites (conception, réalisation, etc.).

Bridge Zircone sur implants
Bridge implantaire zircone par technique scellée
Dès lors que l’on a choisi de confier à un centre de Fabrication Assistée par Ordinateur (FAO) cette réalisation, jusqu’où peut-on aller en termes de gain de temps sans trahir une qualité à laquelle nous sommes attachés ?

C’est pour lever un petit coin de ce voile que nous avons été amenés à réaliser un bridge implantaire zircone, par technique scellée, concomitamment à des faux moignons implantaires eux-mêmes en zircone.

Vitesse ou précipitation ?

Pourquoi cette question ? Si la Conception Assistée par Ordinateur (CAO) peut et doit s’envisager au laboratoire, ce n’est pas le cas pour la FAO. Il y a un prix à payer pour s’attribuer des compétences là où des ingénieurs ou techniciens mettent des années à l’acquérir par leurs études ou leur expérience. Ce prix réside dans le qualitatif ou le coût que nous allons pouvoir obtenir par une production exclusivement internalisée au laboratoire : pseudo usineuse simplifiée à outrance, où matériel et technicien qui y est rattaché à un prix que peu peuvent se permettre d’engager et risquer.

En clair, on peut avoir du bon, mais cher, ou de l’abordable mais de mauvaise qualité.

Ce sont pour ces raisons que le choix d’externaliser une partie de la production d’un laboratoire, la plus technique en particulier, est un choix qui s’impose de lui-même. La zircone est sans doute le matériau qui est le plus pointu à fabriquer, celui qui nécessite un vrai savoir-faire, si l’on est sans concession : couleur et luminosité du produit fini, adaptation, respect des choix de conception, mais aussi respect de l’homogénéité du matériau, choix de la matière première.

Nombre de partenaires de fabrication, centres de production fleurissent un peu partout. Nous avons fait le choix de travailler avec Simeda, une société implantée depuis de nombreuses années, utilisant des matériels et matériaux de qualité, autorisant un large choix de protocoles de réalisation de nos armatures.

Ce choix qualitatif n’autorise pas tout. En particulier, il est difficile d’envisager dans le même temps la CAO directe de deux faux moignons zircone et de son armature pour bridge. Même si les machines, les scanners et les programmes évoluent, cette idée n’était même pas envisageable il y a seulement quelques années, dès lors que l’on s’imposait une certaine rigueur d’adaptation. Gagner du temps, en particulier sur les livraisons est une chose, y perdre une qualité que le numérique peut nous garantir si l’on s’en donne la peine en est une autre. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Un cas clinique très classique

Nous proposons la réalisation d’un bridge de 14 à 16. Les implants posés, la prise d’empreinte et la validation de celle-ci par une clé en plâtre sont classiques, ainsi que la coulée du modèle. Il est à noter que la canine adjacente au bridge n’a pu être refaite pour cause d’un grand risque de fracture de la racine. L’onlay sur la 17 sera réalisé à la suite du bridge.

Le scannage est réalisé grâce à un scanner Imetric et la conception grâce à l’Exocad distribué pas Dimeda .

La problématique de la réalisation de bridges sur piliers implantaires

L’expérience est la somme de toutes nos erreurs.

Oscar Wilde

Bridge implantaire zircone par technique scellée
L’expérience nous a appris que l’un des problèmes que nous étions susceptibles de rencontrer lors de la réalisation par technique classique d’un bridge sur faux moignons implantaires, est la gestion de la surface portée sur ceux-ci.

Au-delà des connectiques et de la diversité de l’accastillage disponible sur les différentes marques d’implants, c’est le diamètre et l’angulation globale des piliers proposés par ces marques qui importent. Souvent sous dimensionnés, ne permettant qu’un minimum de retouches, ceux-ci rendent compliquée la gestion de la friction et de l’adaptation des supra structures qui sont fabriquées dessus.

La notion de surface portée c’est-à-dire la surface visible vue du dessus du pilier implantaire est à prendre en considération. Plus celle-ci est petite, à hauteur de pilier égale, plus l’angulation est importante, certes, mais plus l’adaptation est difficile, en technique classique ou en FAO.

C’est le même principe mécanique de la clef plate sur son écrou de même taille. A taille mâle et femelle identique, on ne peut insérer la clef. Il faut soit une différence de taille ou une angulation entre les deux pièces suffisantes pour permettre leur insertion.

Conception numérique des piliers et du bridge

Ce principe nous encourage à proposer le plus largement possible des piliers personnalisés permettant de gérer de manière optimale l’angulation, la largueur de pilier et l’adaptation à la gencive, quitte quelques fois à être contraints de trouver un compromis acceptable entre diamètre de pilier et compression gingivale.

Dans le cas qui nous intéresse, la compression demande un travail tout particulier puisque sa remontée sur la canine décale considérablement la hauteur de sulcus entre l’émergence distale et mésiale de la 14. La compressivité est réglée en fonction des habitudes du praticien, et dans ce cas nous permet de disposer de suffisamment de largeur pour avoir des piliers hauts et correctement angulés. A cette condition, et à cette condition seulement, nous pouvons envisager la réalisation numérique directe du bridge couvrant ces piliers.

Exocad propose les 2 options : fabriquer les piliers seulement, dans le but de les scanner secondairement sur le modèle de travail et de concevoir le bridge normalement, ou créer celui-ci en même temps.

Après usinage

Le gain de temps est évident, car dans le cas d’externalisation de la production, un seul retour est nécessaire avant essayage. A la livraison, l’essayage des piliers est satisfaisant, celui du bridge également.

Même si l’intimité d’adaptation aurait pu être légèrement de meilleure qualité, celle-ci est tout à fait acceptable. On peut l’améliorer très légèrement par quelques retouches ciblées, dans les intrados du bridge par marquage sélectif avec un spray de friction, à faible vitesse, avec des fraises adaptées à la zircone, en contrainte modérée et sous eau.

Les piliers et le bridge sont essayés en bouche. La gestion de la compression en amont facilite leur insertion sur l’implant. Nous contrôlons par la couleur de la gencive à proximité.

L’essayage du bridge s’effectue simplement puisqu’il a été conçu en limite juxta gingivales grâce à la conception personnalisée des piliers.

Bridge préparé au montage du cosmétique"

Montage du cosmétique

Au retour d’essayage, après décontamination, le bridge est préparé au montage du cosmétique. L’excellente évolution des céramiques cosmétiques zircones nous garantit à présent des taux de casse infinitésimaux, pour peu que l’on conçoive les armatures avec attention.

L’accroche mécanique sur la zircone, par le biais d’une compression maitrisée, notamment par un refroidissement lent, et la combinaison chimique de liaisons iono-covalentes optimisée par l’utilisation de certains zirliners nous garantissent une très bonne fiabilité et un complément de coloration profonde. Pour ce cas, un montage par double stratification est effectué. Nous montons dans un premier temps la dentine et les caractérisations profondes.

La stratification des couches transparentes et amélaires, fêlures et caractérisations de surface sont réalisées après la première cuisson de dentine.

La technique est rigoureuse mais classique. L’esthétique de la zircone Simeda concourt à l’intégration de l’infra et de la suprastructure. Après correction de forme grâce à des instruments rotatifs, on contrôle l’état de surface avant cuisson de glaçage. Les ultimes corrections et caractérisations de surface sont faites à l’application de la glaçure et des colorants minéraux. En sortie de cuisson de glaçage, les reliefs de surface sont très marqués.

Un travail de surface permet d’assortir l’état de surface au niveau de brillance et de relief des dents naturelles présentes en bouche. Nous contrôlons l’adaptation à très fort grossissement. Au final, l’intégration du bridge est bonne. Nous rappelons que la réfection de la canine n’a pu être envisagée au risque de perdre la racine.

Bonne intégration du bridge

Conclusion

La réalisation directe des piliers implantaires zircone et du bridge sur ceux-ci est à présent envisageable. Il semble néanmoins que le résultat, quoique très satisfaisant reste meilleur avec une réalisation en deux temps. Certaines précautions sont à prendre pour garantir un résultat optimisé. La validation de l’empreinte, la notion de surface portée est essentielle au bon résultat.

Co-écrit par H. MARECHAL, Prothésiste dentaire et P. BECARELLI, Chirurgien-dentiste, retranscrit de l’article initial par Aurore.